Un canoniste américain commente les ordinations de la FSSPX

Publié le par Daniel HAMICHE


Le professeur Edward Peters est l’un des plus réputés spécialistes laïcs de droit canonique aux États-Unis dont il est docteur. Dans le débat assez vif aux États-Unis sur la question des peines canoniques applicables aux politiciens catholiques soutenant, promouvant ou votant des lois laxistes en matière d’avortement, il épouse la thèse de l’archevêque Burke – rejoint désormais par quelques autres évêques –, de la sanction « médicinale » de l’excommunication et de l’interdiction de la communion sacramentelle. Une thèse qui met mal à l’aise certains “bureaux” de la Secrétairerie d’État (j’en traite dans le n° 813 de Monde & Vie). J’ai traduit et présenté, avec l’accord de l’auteur, un texte de novembre dernier du Dr Peters, pour la première livraison de la nouvelle revue trimestrielle de l’abbé Guillaume de Tanoüarn, Respublica Christiana. Ce texte développe les « options canoniques pour traiter des cas des membres catholiques du législateur soutenant le F[eedom] O[f] C[hoice] A[ct] », autrement dit le FOCA.
Hier, sur son site, le Dr Peters offrait une réflexion canonique sur les ordinations sacerdotales de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, conférés le 19 juin à treize diacres, dans son séminaire St. Thomas Aquinas de Winona (Minnesota). J’ai pensé que cette contribution serait propre à contribuer à un épineux débat, mais elle n’engage, bien sûr, que son auteur.

« Trois points sur les récente ordinations de la FSSPX.
Il n’y a pas à proprement parler de “nouvelles” concernant les récentes ordinations de la FSSPX dans le Minnesota – et à vrai dire rien de
surprenant les concernant –, si bien que trois commentaires feront l’affaire.
Premier point. Contrairement à certains commentaires qui ont été faits, l’Église reconnaît tout à fait ces ordinations, mais nous les devons les comprendre que treize hommes ont revêtu le sacerdoce du Christ illégalement d’un évêque qui a agi de manière schismatique. Bien qu’il n’y ait aucune excommunication liée à de telles ordinations sacerdotales
per se (comme il y en a une pour une ordination épiscopale en contravention du c. 1382 du Code de Droit Canonique [CDC] de 1983), objectivement parlant, la participation à cette cérémonie était pourtant gravement peccamineuse.
Deuxième point. Tout commentaire que j’aurais pu faire concernant l’excommunication pour de nouveaux actes schismatiques – ce qu’ils semblent être de toute évidence – au regard du c. 1364 du CDC de 1983, semblent avoir été devancés par le gracieux acte de levée des excommunications des dirigeants de la FSSPX en janvier dernier. En vérité, j’éprouve une grande difficulté à imaginer un quelconque canon que Rome pourrait vouloir appliquer contre la FSSPX.
Mais ces deux points en suggèrent un troisième, ironique : moins Rome interdit des actes sacramentaires que s’approprie la FSSPX, plus la FSSPX semble ressembler aux Églises orthodoxes et à quelques autres groupes – Rome reconnaît la validité de leurs ordres, aussi, mais (en vertu du c. 1 du CDC de 1983) elle ne tente pas de leur imposer des sanctions canoniques pour avoir conféré ces ordres en dehors de sa communion.
Je pensais que la levée des excommunications de la FSSPX était destinée à la rapprocher de l’unité catholique.
A contrario, elle semble confirmer son plus grand éloignement ».



Publié dans prêtrise

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F
Parle-t-on de la FOCA ou de la FSSPX ?Dans les deux cas, je ne vois pas ce qui contredit à la charité chréteinne qui ne consiste pas à passer de la pommade préventive mais à parler juste sur des sujets qui ne devraient pas fâcher dans la mesure où on les pose correctement. Rappellons qu'endroit canonique, "l'état de nécessité" est une notion subjective que seul celui qui pose l'acte peut invoquer. Eclairer une conscience est une chose, la déclarer hors de l'Eglise quand elle agit pour le seul bien de celle-ci en est une autre. Le bien que l'on fait à quelqu'un ne lui est pas forcément plaisant. Tout se mesure à l'aune de la vie éternelle, comme les martyrs catholiques l'ont toujours compris. Mgr Lefebvre et la FSSPX ont voulu sauver le Scrifice de la Messe, force est de constater qu'ils ont posé un roc en travers d'un torrent pas encore étanché, du reste ! D'autres ont apporté leur pierre, petite ou grande, mais le roc était là.Ici aussi : ".... la caravane passe !"
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G
A tous les intervenants liseurs : Tout d'abord je trouve le ton de certains particulièrement sans aucune charité chrétienne ! Ce canoniste américain est bien courageux ! Je ne suis pas du tout férue de théologie ou de droit canon, je n'y connais rien du tout mais j'essaye de comprendre avec l'intelligence que Dieu m'a donnée cet épineux problème des ordinations récentes  dans la Fraternité Saint-Pie X et cet article m'a aidé à éclairer ma chandelle ! J'ai lui aussi dans la revue Respublica Christiana ce qu'il a dit point par point au sujet de tout législateur catho favorable au FOCA : Trouvez-moi en France un canoniste sérieux qui en ait fait autant !.. C'est trop facile de critiquer derrière son écran sans se bouger !....
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A
Peters est peut-être docteur en droit canonique aux E.U. mais il est sans doute trois fois docteur en sophisme. Son raisonnement est simpliste et je trouve étrange que cet avis douteux et mal informé dans la spécialité pourtant invoquée trouve une place sur ce blog d'habitude mesuré.On rappelera à Mister canonist qu'il n'y a pas et n'y a jamais eu d'acte schismatique dans les consécrations de la FSSPX (y compris celles épiscopales) qui agit selon le principe canonique de l'état de nécessité évoqué plus haut dans un commentaire. A l'heure où le Saint-Père a levé les injustes excommunications (entachées d'une certaine invalidité formelle comme l'a magistralement démontré l'abbé Christophe Héry dans Non lieu sur un schisme paru il y a quelques années) il est déplacé de relancer une polémique sur le "schisme", substantif que n'emploient à aucun moment les autorités romaines. De plus l'affirmation qui consiste à comparer la FSSPX, érigée canoniquement en 1970 par l'évêque de Fribourg, aux églises orientales schismatiques est gratuite, infondée, gravement injuste et offensante. Affirmer n'est pas prouver : quand on accuse d'un délit il faut le prouver (nemo malus praesumitur, nisi probetur), principe canonique qui échappe au citoyen Peters qui balaie d'un revers de main toute objection ("je résume en trois points : 1, 2, 3..." écrit-il : quel raisonnement !).Au yankee Peters, illustre laïc inconnu, on préférera relire l'abbé Gérald E. Murray (archidiocèse de N-Y), canoniste plus distingué (licencié en Droit canonique auprès de l'Université grégorienne de Rome, puis Docteur), qui déclarait dans Latin Mass Magazine (1995) : "J'ai obtenu une Licence en Droit canonique et j'ai choisi comme sujet de thèse de licence l'excommunication de Mgr Lefebvre [...]. Pour autant que je sache [on voit déjà une pondération dont Peters n'a sans doute même pas la notion] ils (l'Archevêque Lefebvre et les 4 évêques sacrés) ne sont pas excommuniés en tant que schismatiques car le Vatican n'a jamais dit qu'il l'était [...]. J'en suis arrivé à la conclusion [voilà un raisonnement logique, non une affirmation arbitraire] que , canoniquement parlant, il n'est coupable d'aucun acte schismatique tombant sous le coup du Droit canonique. Il est coupable d'un acte de désobéissance, mais il l'a fait d'une telle façon telle qu'il puisse bénéficier d'une clause de la loi lui permettant de ne pas être automatiquement excommunié pour cet acte". Cet avis juridique est loin d'être le seul dans l'Eglise (Cardinal Castillo Lara, le Comte Neri Capponi, le Cardinal Stikler, le professeur Geringer, l'abbé Valdini... autorités canoniques s'il en est).Cet anti-traditionalisme primaire fait vraiment tache dans l'effort d'information objective qui semblait être la fin poursuivie par site d'informations "catholiques". On repassera...
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C
A Denis Merlin.Je me demande dans quel monde vous vivez : des messes acceptables, relativement faciles d'accès ?Oui, de nos jours, c'est plus facile que dans les années 70-80.Mais même en recourant à la FSSP (avec les fortes turbulences qu'elle a traversée pendant près de dix ans), c'est très loin d'être évident.Et si l'on peut avoir une messe Motu Proprio, encore une fois dans quelle condition ? Célébrée par quelqu'un qui n'y comprend rien voire le fait à contrecoeur, sur ordre, dans l'espoir de torpiller des communautés gênantes.Pardonnez-moi, Monsieur, mais il y a beaucoup de fidèles qui n'ont jamais eu peur des sacrifices à faire pour suivre ce que leur conscience leur dictait, mais qui justement par délicatesse de conscience en sont venus à refuser ce qui s'avérait compromission.Quant au cas de nécessité, il est déjà reconnu au moins comme possible par le Saint-Père lui-même, au moins pour la France et les pays germaniques. Je suis actuellement aux Etats-Unis et peux vous garantir que ce n'est pas beaucoup plus brillant ici. La seule différence, et il est vrai qu'elle n'est pas négligeable, est qu'il y a plus de bonne volonté (accompagnée d'une ignorance crasse), et un certain nombre de prêtres et même d'évêques qui ne rejettent pas l'autorité romaine, voire y sont attentifs - avec incomparablement moins d'entraves qu'en France.De là à aller facilement à la messe dans mon diocèse...En dehors de la FSSP que j'ai très proche (FSSPX malheureusement à 1H30 de route au mieux), je vous assure que c'est... chaud comme on dit !Et puis, n'étant pas le Bon Dieu, je ne veux pas prendre le risque de la facilité et de me laisser influencer dans le mauvais sens, car avec la messe il y a le sermon, enseignement du prêtre, et puis il y a toute une vie sociale et un réseau d'amitiés.Je ne refuse certainement pas celles qui sont hors FSSPX, mais on me dira ce que l'on voudra, il est plus sûr pour la vie spirituelle d'être entourés d'amis exigeants !
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C
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